
« Au coeur de l’Homme »
Antananarivo. Mes sens ont déraillé. Changement de contraste rapide. Coup de poing dans la tête. Comme le mauvais délire d’une drogue. Antananarivo. La vie était là. Dans les chiens errants, dans les pots d’échappement, dans le bruit incessant des klaxons, dans le nuage de pollution, dans les talus d’immondices, Antananarivo, dans les mains qui mendient, dans la confusion. Demander aux quelques touristes sortis de l’avion de m’embarquer avec eux dans leurs voitures aux vitres teintées ? Pour m’amener où ? Dans quelle autre ville ? Dans quel lieu ? Sans plan, je n’avais nulle part où aller. Des guides ? Je n’y avais même pas pensé.
Elle n’était jamais partie plus loin que l’Europe. Parce que ses peurs étaient trop grandes, trop obsédantes, trop entrenues par tous ceux qui se veulent de bon conseil mais qui ne sont jamais partis : multiplier les vaccins, prendre des assurances, se méfier de tout et surtout de tous… Elle se décide pourtant. Par défi, par désoeuvrement, par rejet de ce qu’elle a vécu jusqu’ici. Plutôt que de se pendre en toute discrétion, autant provoquer le destin en affrontant l’inconnu. Ce sera Madagascar, sur un coup de tête au hasard d’une rencontre…
« Quelque part dans l’oubli »
La porte est ouverte… Et je la vois… Celle qui a bercé ma mère. Je la regarde, étrangère. Mirage du passé. Elle est assise là, dans un fauteuil tout juste coincé entre un lit et une fenêtre. Fenêtre avec barreaux divisant l’espace du ciel. Je ravale mes larmes de la voir si vieille. Je m’approche. Timide. Lentement, elle tourne la tête. Et du brillant de ses yeux, portant un minuscule bout de chocolat à ses lèvres, elle me dit : Le chocolat, mon péché mignon. Je m’avance encore. Elle sourit. Puis, elle me dit : Pardonnez-moi, vous êtes qui ?
Le jour où elle apprend que ça grand-mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle ressent le besoin profond de renouer avec elle. Cette rencontre avec la vieille « qui perd la boule », dans un hôpital puis en « maison de repos », constituera pour elle une replongée, à la fois douloureuse et salutaire, dans l’histoire familiale. Mais ce sera aussi une occasion d’appréhender la maladie sous son aspect ludique en contraste avec le sort que notre société réserve à ses aînés.
Paru aux Ed. Lansman
Photo de couverture : Kim Leleux
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